J’ai testé beaucoup de drogues pendant une longue période de ma vie. Beaucoup de médicaments, beaucoup d’alcool, des drogues douces, dures, héroïne, cocaïne et crack. La première fois que j’ai consommé du crack, j’avais 20 ans. J’y prends goût mais ça n’a pas beaucoup de conséquences et d’impact dans ma vie. A ce moment-là, je consommais autre chose et j’étais encore dans une vie « insérée ». Toute cette période où j’ai consommé du crack, c’était en 2010, à un moment où j’ai vécu une épreuve dure à traverser. Un divorce. J’ai adhéré tout de suite.
Ce n’est « que » de la cocaïne. C’est une substance cuisinée et il en ressort un caillou quasiment à l’état pur qui se fume. Comme j’avais une vie professionnelle et sociale encore assez cadrée, je ne me suis pas senti partir dans ce mode de vie qui m’a suivi pendant 4 ans. Ma seule préoccupation était de consommer, peu importait les conséquences qui allaient avec. C’est un produit qui anesthésie, mais plus que ça, c’est un produit qui m’a deconnecté de la réalité. J’ai vite connu la déchéance. J’avais une maison, j’avais une société, j’étais assez à l’aise financièrement et en 3 ans j’ai tout dilapidé. Je me suis retrouvé clochardisé. Je partageais une maison avec la mère de mon enfant, mais cette maison a été vendue. Donc je me retrouve à vivre sur un parking, dans un hôpital… Ca a été une période très compliquée pour moi.
Je pense que j’avais besoin à ce moment-là de m’anesthésier. Tout tournait autour du crack. Tout ce que j’avais tournait autour du crack. Je me suis retrouvé à voler la nuit, à trainer avec des gens que je ne connaissais pas ou très peu, je me retrouvais dans des coins de Paris que je ne connaissais pas. Je me suis retrouvé à avoir ce mode de vie, d’aller chercher de la drogue. Juste de la drogue, même pas à manger. A une période, je suis descendu à 66 kg. J’en fais entre 100 et 105 aujourd’hui. Le plus important est de pouvoir consommer, ce n’est pas de manger, ni d’avoir un toit ou de se laver. Je crois que j’ai transgressé toutes les valeurs que j’avais à cette époque. Je ne crois pas, j’en suis sûr. La dernière année ça a été beaucoup de vols. Il y a un manque du crack qui est hyper fort. Tant que j’en avais j’en consommais. J’étais incapable de garder quelque chose pour le lendemain.
Il a fallu que je me fasse interner au bout de trois ans de consommation assez régulière et intensive. J’entendais des voix, je sentais de gens me toucher. Ce n’était pas des états de défonce, quelque chose avait été touché dans mon cerveau, dans mon esprit, je n’en sais rien. Je voyais des gens me parler dans la télé. J’ai eu une période où j’avais des appels, alors que je suis né en France, je n’ai pas de raison particulière de penser à ça, mais je voulais aller en Syrie. C’était flippant parce qu’il y avait une partie de moi qui était légèrement consciente de ce qui se passait, puis il y avait un truc très envahissant qui avait pris le contrôle de ma vie. J’étais en psychose totale et, encore aujourd’hui, j’ai des souvenirs de tout ça et je me dis que ça aurait pu tourner au drame. Des gens que j’aurais peut-être surinés pour me défendre parce que mon interprétation n’était pas objective.
J’ai été interné en centre de crise et ça a été le début de ma rencontre avec l’association dont je fais partie aujourd’hui. La première étape dit : « Nous avons admis que nous étions impuissants devant notre dépendance et que nous avions perdu la maîtrise de notre vie ». Avoir un rapport privilégié avec une personne, le lien, c’est l’un des outils qu’on propose et qui est vital. Honnêtement, je n’ai plus du tout ni l’obsession ni l’envie de consommer depuis un bon moment. J’ai d’autres problématiques, si je peux appeler ça comme ça. On appelle ça la vie. Ca me ferait peur de retourner dans ce monde mais je crois qu’aujourd’hui, je suis équipé pour ne pas consommer, appeler quelqu’un si j’ai besoin et partager mes émotions avec des amis bienveillants. J’ai totalement changé. J’ai pris conscience de plein de choses, je me respecte plus, je respecte les autres, j’ai un regard différent sur ce que m’apporte la vie.
Oscar, membre des Narcotiques Anonymes – propos recueillis par Kombini à retrouver en vidéo ici.